René BOIVIN. - Suzanne BELPERRON.
Epoque Art déco. Modèle "S". Paire de CLIPS en platine 850 mm et or gris 750 mm en forme de "S", à motifs géométriques d'enroulements entièrement sertis de diamants brillantés, la bordure sertie de diamants brillantés et de taille baguette. Poids brut : 24,6 g.
Sur un dessin de Suzanne Belperron.
Apprenti-orfèvre chez son grand-frère Victor, René Boivin est un garçon sérieux, appliqué et lorsqu’il fonde la maison qui porte son nom, il œuvre assez vite pour de prestigieuses marques, telles Mellerio ou Boucheron, dans une période riche en fabrication de bijoux néoclassiques un peu “gnangnans” mais indiscutablement le succès de l’époque à Paris. Nous sommes alors à la veille d’un âge de créativité lumineux, aussi intense et mondial que celui de la Renaissance, qui va chambouler tous les codes artistiques et moraux en deux périodes sur une cinquantaine d’années d’affilée, traversant avec force une crise économique et deux guerres planétaires, la dernière achevant de poser le linceul de la honte sur les rêves de grandeur des vivants. Avec sa tour, Gustave Eiffel donne le top départ de l’esprit créatif et ce chef d'œuvre tout en dentelle ouvre aux femmes le long chemin d’une liberté sociale et économique complète. Et c’est justement en épousant Jeanne Poiret, dont la famille, tout comme celle de René Boivin, œuvrait dans le tissu, que René Boivin va connaître un essor aussi explosif que durable ; car les enfants Poiret sont tous brillants et fréquentent les happy-fews sous la coupe de Paul, le grand couturier, ses deux sœurs n’étant pas en retard en matière de créativité ou d’indépendance économique ... Jeanne apporte à René la garantie d’une solide clientèle assidue remplissant le carnet de commandes. René disparaît en 1917 et Jeanne reprend le flambeau ; plus douée pour les affaires et très occupée par le maintien du rayonnement de la marque, elle recrute Suzanne Belperron, alors Suzanne Vuillerme, en 1919 et tandis que les architectes dominent le monde culturel, avec des créations faites d’angles, de gradins, de précision, d’équilibre, bref, de repères orthonormés, dans un succès encore à l’ordre du jour plus d’un siècle plus tard, Suzanne, elle, dessine des courbes, travaille des galbes, joue avec le monde maritime et l’univers des coquillages, invente le foutoir organisé de la pierre en cabochon et adoucit les coins vifs, en prenant bien soin, dans son océan de créativité, de garder précieusement un code en vigueur depuis Louis XIV : l’équilibre, c’est-à-dire la signature invisible d’une œuvre d’art française par la grâce de ses proportions parfaites.
Suzanne reste fidèle à la maison René Boivin de 1919 à 1932 ; elle travaille dans l’ombre à être la lumière de l’endroit ; à son départ, Jeanne Boivin a peut-être entendu cette phrase prononcée plus tard par Jacques Prévert : “on reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait lorsqu’il s’en va...” Suzanne crée alors aux côtés de Bernard Hertz, toujours dans la discrétion, n’apparaissant pratiquement jamais dans les publicités. La maison René Boivin, quant à elle, a perpétué sa signature féminine avec Juliette Moutard (1933-1970), Marie-Caroline de Brosses (1970-1988) ou Marie-Christine de Lamaze et Sylvie Vilein (1988-1999). Nous présentons aujourd’hui la réalisation d’un dessin célèbre de Suzanne Belperron, développé dans de nombreuses versions et variantes, ici entièrement serti de diamants.